samedi 23 janvier 2021

Taxi de Khaled Al Khamissi: des conversations avec des chauffeurs de taxi du Caire

 


Taxi de l’auteur et journaliste égyptien Khaled Al Khamissi est un livre paru pour la première fois en 2007. Il fut traduit de l’arabe au français par Hussein Emara et Moïna Fauchier Delavigne. Le livre compte 190 pages.

C’est un livre qui regroupe cinquante-huit conversations tenues avec des chauffeurs de taxi du Caire entre 2005 et 2006. Chacune compte 3 à 4 pages. Il s’agit de sujets divers de la vie quotidienne de la grande ville du Caire. On y perçoit les difficultés de vie : pauvreté, pollution, surpopulation, banditisme, maladie…

En outre, certains sujets politiques sont abordés selon le point de vue des chauffeurs de taxi : la guerre en Irak, le conflit avec les israélien et les américains, les manifestations, les élections, certains personnages historiques de l’Egypte…

On cite et on implore Dieu souvent. Parfois il y a une note d’humour qui s’ajoute.

Résumés de quelques nouvelles du livre Taxi de Khaled Al Khamissi

  • 1.  Un vieux taxi racontait qu’un jour il était malade et en manque d’argent. Alors il sortit travailler. Un autre taxi tomba en panne et il se chargea d’embarquer son client, il venait d’Oman et allait à l’aéroport. Ce dernier a bénéficié de l’aide du petit fils du vieil homme pour faciliter les procédures douanières. Pour cela il lui donna 1000 livres. La leçon était : ni le pain ni l’argent ne t’appartient, tout appartient à Dieu.
  • 2.   Un taxi avait eu comme client un sergent de police en civile. Arrivé à destination il lui a demandé son permis. Alors le chauffeur lui a donné de l’argent. Le policier a eu vingt livres. Comme commentaire le chauffeur disait que le banditisme était partout.
  • 3.   Le narrateur, dans un taxi, s’est aperçu que la voiture s’était arrêtée et que le chauffeur s’était endormi ! Réveillé, la voiture faisait des déviations. Alors le narrateur criait et le chauffeur s’est excusé. Il lui a expliqué qu’il demeurait dans la voiture depuis trois jours ! En fait il avait juré à sa femme qu’il ne rentrerait pas chez lui qu’après avoir payé la mensualité de la voiture.
  • 4.   Dans une ville de haut niveau de pollution, le chauffeur de taxi fumait. Le narrateur lui a demandé de jeter sa cigarette. Alors le chauffeur lui a parlé de son habitude tabagique depuis le lycée. Il avait pensé qu’il fallait arrêter de fumer pour pouvoir se marier, mais l’habitude tabagique avait gagné.
  • 5.   Un chauffeur a raconté que le père des enfants qu’il emmenait à l’école fut emprisonné. Leur mère qui n’avait plus de quoi payer le supplia de les emmener en attendant la libération de son mari. Alors il s’est rappelé ce que disait son père : « Fais le bien et Dieu te le rendra ».
  • 6.   Un chauffeur de taxi avait vécu en Irak. Il disait que les irakiens étaient incroyables. Pendant le mois de Ramadan, il était dans un magasin et les voisins leur apportaient l’iftar pendant tout le mois. Le plateau était si grand qu’il fallait ouvrir les deux battants de la porte pour le faire passer.

 

 

vendredi 8 janvier 2021

La Bâtarde d'Istanbul: à la recherche des origines




La Bâtarde d’Istanbul de l’auteure turque Elif Shafak est un roman paru en 2006, il compte 378 pages. Il est traduit de l’anglais par Aline Azoulay. C'est une histoire turco-arménienne qui touche cinq générations.

Asya, la bâtarde d’Istanbul, fut élevée dans une famille de femmes. Elle a fait la connaissance d’Armanoush, la belle-fille de son oncle, qui était de mère américaine de père arménien. En effet, elle arriva à Istanbul à la recherche de son origine arménienne. La famille de son père était la descendance de survivants du génocide commis par les turcs de l’empire Ottoman contre la minorité arménienne de Turquie en 1915. La grand-mère d’Armanoush, Shushan, avait quitté son mari turc et son fils Levent pour rejoindre son frère arménien en Amérique. Levent était le père de Zeliha, la mère d’Asya !

Elif Shafak pose la question de la place de notre passé dans notre présent, et l’importance des origines. Faut-il que la bâtarde d’Istanbul cherche son père ? Faut-il qu’Armanoush cherche son identité arménienne, celle de ses ascendants ? Fallait-il que Shushan, arménienne, quitte son mari turc pour aller chez son frère arménien ? Fallait-il que Mustapha oublie sa culture turque quand il vivait en Amérique ?

C’est un récit passionnant, très réel, proche du lecteur. A côté du sujet principal, Elif Shafak nous régale avec de belles descriptions : dîner en couple, petit-déjeuner en famille, salon turc, promenade à Istanbul, sons au bord du ferry, Istanbul au petit matin..

Aussi, les détails seront appréciés: nourriture, paroles d’une chanson, une moustache, des tatouages, les titres de livres, un tapis, un bureau, une recette turque, une émission télévisée, un chat…

Les Kazanci

Zeliha Kazanci, d’Istanbul, osait sortit avec des mini jupes et des chemisiers ajustés. Elle avait dix-neuf ans quand elle était tombée enceinte hors mariage. Elle était la benjamine d’une fratrie de quatre sœurs.

Sa sœur Feride, était schizophrène. Les deux autres sœurs étaient Banu la grosse, et Cevriye, professeur d’histoire. La mère s’appelait Gülsüm et la grand-mère était Petite-Ma.

Les hommes de la famille étaient tous morts jeunes, frappés par une malédiction. Ainsi quand Gülsüm eut un garçon, Mustapha, il fut considéré comme un trésor. Elle l’envoya étudier en Arizona aux USA pour le protéger de la mort par malédiction.

Rose et les arméniens

Rose, américaine, divorça après un mariage avec un arménien, Barsam. Elle s'est remariée avec Mustapha, le turc. En fait, la famille arménienne de son ex-mari, les Tchakhmakhchian, réprouvait les turcs. Ils étaient les descendants de survivants du génocide des turcs contre les arméniens en 1915.

La bâtarde d’Istanbul et sa famille

Asya Kazanci, la fille de Zeliha, a su à l’âge de huit ans qu’elle était née bâtarde. Au fil des années elle comprit qu’elle avait une famille anormale. A dix huit ans elle a échoué une tentative de suicide. A dix-neuf ans elle se distinguait par sa rationalité. Elle était distante de sa mère et de ses tantes. Elle aimait la musique, la danse classique et la philosophie.

Tante Banu devint une voyante. Ensuite elle déclara vouloir se consacrer à Dieu et devenir comme les derviches d’antan. Ainsi elle s’enfonça dans sa solitude. Zeliha, toujours séduisante, a ouvert un salon de tatouage.

Armanoush

Armanoush, la fille de Rose, a vingt et un ans . Elle aimait se rendre chez les Tchakhmakhchian, pendant des mois, à San Francisco, ils étaient affectueux. 

Elle trouva refuge dans un cybercafé qui unissait des arméniens et des grecs descendants de Stambouliotes. Leur ennemi commun était « les turcs ». Ils abordaient la question de l’identité arménienne. Armanoush sentait son problème d’identité

 « Son enfance fragmenté l’avait empêchée de s’inscrire dans une lignée, de trouver son identité »

Elle leur exprima son désir de retrouver le passé des siens en Turquie, en voyageant à Istanbul chez la famille de Mustapha.

Petite-Ma

Elif Shafak évoque, par le personnage de Petite-Ma, la prière, le coran et la préservation du contre le mauvais œil.

Petite-Ma était jeune en 1923 lorsque sa mère, veuve, avait émigré à Istanbul. Elle se maria, à la traditionnelle, avec Riza Selim, ancien chaudronnier devenant fabricant de drapeaux. Il avait un fils de sa première femme qui l’avait abandonné, il s’appelait Levent. Ensuite Riza Selim a du choisir un patronyme : Kazanci. Son mari mourut de façon inattendue comme tous les hommes Kazanci. Ainsi Petite –Ma vint à croire au mauvais œil.

Armanoush à Istanbul

A la recherche de son identité arménienne,  Armanoush débarqua en secret à Istanbul chez les Kazanci. En effet elle était la belle-fille de Mustapha.

A Istanbul, Armanoush fut étonnée de voir Zeliha avec sa mini jupe et sa sœur Banu avec son voile ! Elle découvrit le charme du salon de la maison des Kazanci, les turcs:

« …une peinture à l’huile bucolique représentant un paysage trop pittoresque pour être réel, un calendrier illustré de photos de hauts lieux de la Turquie, une amulette contre le mauvais œil, un portrait d’Atatürk en smoking secouant son chapeau en direction d’une foule hors cadre. Tous ces souvenirs et ces nuances vives de bleu, de bordeaux, de vert océan, de turquoise donnaient à la pièce cette atmosphère lumineuse qui ne devait rien aux lampes ni au soleil. »

A table, elle remarqua des plats qui faisaient partie de la cuisine arménienne. Armanoush expliqua que son arrière grand-père était sur la liste des intellectuels arméniens à éliminer. Et elle raconta l’histoire de la déportation de sa famille arménienne par les turcs de l’empire Ottoman en 1915. En outre elle était amie avec la bâtarde d'Istanbul.

Le passé et le présent

« Pour les Arméniens, le temps était un cycle au cours duquel le passé s’incarnait dans le présent et le présent donnait naissance au futur. Pour les Turcs, le passé s’arrêtait en un point précis, et le présent repartait de zéro à un autre point. Entre les deux, il n’y avait que du vide »

A la place de la maison de grand-mère Shushan, la grand-mère d’Armanoush, il y avait un immeuble. Un chef cuisinier avait expliqué à Asya, la bâtarde d'Istanbul, et Armanoush: 

« Il reste peu de vieilles familles stambouliotes ici…Dans le temps la ville était si cosmopolite ».

Tante Banu

Tante Banu se lève la première avec l’appel à la prière de l’aube. Elle parlait avec ses djinn, Mer Amer et Mme Douce. Mer Amer la servait depuis plus de six ans. En effet elle lui demandait des événements, des secrets, pour répondre à l’attente des ses clientes. Mais la seule faveur personnelle était de lui demander le nom du père d’Asya, la bâtarde d'Istanbul.

Shushan

Hovhannes Stamboulian, un arménien, écrivait un livre pour enfants, en secret. Sa femme s’appelait Armanoush, et il avait trois garçons et une fille : Shushan, la benjamine.

Des soldats turcs vinrent chez l’écrivain avec l’ordre de fouiller la maison. En effet des insurgés arméniens lisaient ses poèmes et se rebellaient contre le sultanat ottoman. Varvant, le fils aîné, alla chercher l’oncle Levon et trouva son apprenti chaudronnier Riza Selim. Mais oncle Levon était arrêté par les soldats. Varvant ne trouva pas de secours.

« …même quand ils furent expulsés de la maison en pleine nuit par des soldats et qu’ils se trouvèrent sur la route, au milieu de milliers d’Arméniens épuisés, affamés, battus, cernés par des soldats à cheval… ».

Ainsi, les enfants devinrent des orphelins égarés sauvés ensuite par des missionnaires américains, ils demeurèrent à San Francisco.

Mer Amer continua à raconter à tante Banu l’histoire de Shushan la grand-mère d’Armanouch.

Le passé pour les arméniens et pour la bâtarde d’Istanbul

Armanoush présenta Asya, aux membres du cyber café. On soulevait la question du génocide passé et là Esya souleva le problème de son passé. Le passé est-il mort ou s’insère-t-il dans le présent ? Est-on responsables des crimes de nos pères ?

Shushan, l’arrière grand-mère de la bâtarde d’Istanbul

Banu avait une broche en forme de grenade, son père la lui avait donnée, il l’avait héritée de sa mère qui l’avait abandonné. Banu a su par la magie que cette broche avait appartenu à Shushan.

Armanoush, après l’arrestation de son mari, découvrit la broche en forme de grenade dans son bureau à côté d’un manuscrit inachevé. Riza Selim Kazanci avait vu Shushan, petite, dans un orphelinat. Il sut qu’elle était la nièce de son maître chaudronnier. Alors il l’épousa et fut appelée Shermin Kazanci. Ils eurent un garçon : Levent.

Des années après, le frère de Shermin venant d’Amérique se présenta et lui offrit la grenade en or. Après une semaine elle voyagea vers l’Amérique laissant une lettre d’excuse et la broche.

Banu refusa de dévoiler à Armanoush le secret de sa grand-mère mais elle lui donnera la broche.

Mustapha

Mustapha avait violé sa sœur Zaliha il y a des années à la suite d’une dispute. Il mourut subitement à Istanbul. Après sa mort, Zeliha annonça à sa fille, la bâtarde d'Istanbul, qu’il était son père.

Citations :

Qu’importe ce qui tombe du ciel, jamais nous ne devons le maudire

Si les réponses ne t’intéressent pas ne pose pas de questions

Le passé n’est qu’un lien dont il faut savoir s’affranchir

Ne me plonge pas à la fois dans la connaissance et dans l’impuissance

Je ne peux pas changer la direction du vent, mais je peux ajuster mes voiles pour toujours atteindre ma destination

Le passé n’est jamais mort et enterré